Partir de retours d’expériences tirés de la vraie vie pour initier un débat sur un thème de gouvernance, c’est une nouvelle formule baptisée « Live » mise en place par la dynamique ADAE (Association des Dirigeants et Administrateurs d’Entreprise[1]). La deuxième édition tenue jeudi 17 mai permettait de parler de ces bugs des conseils d’administration ou de surveillance. Yvan Faucheux[2] et Emmanuel Roy[3] étaient en charge de présenter les exemples concrets.
Quand un administrateur dispose d’un pouvoir exorbitant, qu’il le tienne d’un droit de veto statutaire, d’une « golden share » ou d’une part du capital hégémonique, la substance du Conseil s’étiole : il se borne à enregistrer les décisions d’un seul, et la collégialité de papier n’apporte aucun bénéfice. C’est une logique de non-partage du pouvoir dont sont jaloux ceux qui en ont. Est-ce une survivance d’un schéma féodal quand les anglo-saxons préfèrent fonctionner au contrat et les germains via un consensus ?
La mutualisation d’activités entre concurrents au sein de structures fermées de type joint-venture induisent un problème structurel de gouvernance. Chaque partenaire est un funambule qui arbitre en permanence entre l’intérêt de la mutualisation et le risque d’affaiblir ses éventuels avantages concurrentiels (par exemple la propriété intellectuelle dans le cas d’un centre de recherche). La question existentielle de l’affectio societatis doit périodiquement être posée sans a priori.
L’administrateur indépendant peut, en cas de crise où les intérêts des parties prenantes divergent, être le Deus ex machina d’une situation désespérée. Cela suppose suppose bien sûr une éthique sans faille, du courage pour débarrasser le conflit de sa charge de pathos et orienter le conseil dans une démarche rationnelle, et un sens aigu de la communication. Par contre, à jouer cette partition, le mandat s’use à grande vitesse, ou peut même s’y carboniser irrémédiablement.
Les affaires de famille sont parfois complexes : le père qui tient le conseil de surveillance et censure le directoire où siègent ses deux fils ; ou le recrutement d’un administrateur pour en faire un gendre parce que l’on a des filles à marier … Ces situations existent et indiquent que parfois, les familles ne respectent pas leurs entreprises qui sont des organismes vivants et en partie autonomes. Si la pédagogie ne fonctionne pas dans de telles occurrences, la fuite est une autre issue.
Digression de fin de débat : combien de temps un administrateur indépendant le reste-t-il ? Soyons clairs, il n’est pas de norme ni d’instrument de mesure. De plus, n’appréhender l’indépendance qu’à travers le seul prisme économique et financier est réducteur et dangereux : M. Messier, comparé à Jésus-Christ au sein du Conseil d’Administration de Vivendi, illustre qu’il avait littéralement subjugué ses administrateurs, tous économiquement autonomes. Oui, siéger dans un conseil n’exonère pas du risque de perdre son indépendance pour diverses raisons. Mais la plus belle histoire qui se pourrait raconter, c’est qu’au bout d’un, deux ou trois mandats, un administrateur indépendant puisse continuer de siéger parce que l’intérêt de ses contributions au travail du conseil dépassent largement sa (possible ? Probable ?) perte d’indépendance. Et parce que les entreprises sont parfois des aventures humaines qu’il est douloureux de quitter.
Rémy MAHOUDEAUX
Managing Director, RemSyx
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[1] https://www.club-adae.fr/
[2] Yvan Faucheux : conseil général de l’économie, Ministère de l’économie et des finances
[3] Emmanuel Roy : directeur associé, Fund Finder