Le projet familial, fondateur, est le ciment du développement de l’entreprise. La gouvernance permet de traiter les failles éventuelles dans ces fondations, mais aussi de lui préserver dans le temps sa solidité et son agilité.
Rémunérations, responsabilité sociale et environnementale, protection des petits porteurs… La gouvernance apparaît comme un sujet brûlant pour les grandes entreprises. Mais pas uniquement pour elles : loin du système médiatique, la gouvernance est aussi un défi quotidien des petites entreprises de croissance et en particulier des entreprises familiales.
En effet, l’entreprise de première génération, soudée autour d’une cellule familiale rapprochée, se complexifie fortement au fil des transmissions. Le temps et les successions font cohabiter des membres plus éloignés de la famille, ouvrant par là même les interstices de nombreux intérêts individuels parfois dissociés du projet entrepreneurial. Cette évolution est normale et humaine, mais doit être traitée dans l’intérêt de l’entreprise et de sa vocation de long terme.
La dimension familiale : une force qui est aussi une complexité
La gouvernance des entreprises familiales est un sujet plus complexe que celle des grandes entreprises. Elle est plus délicate parce qu’elle ne peut se faire au détriment d’un actif fragile, la richesse de la dynamique familiale. Celle qui insuffle à l’entreprise des valeurs fondatrices et qui font sa force dans la durée, celle qui la dote aussi d’un “réseau social” de soutien qui reste la meilleure arme anti crise. Ce réseau, ferment de stabilité, de créativité et de confiance, produit spontanément du sens et un fort sentiment d’appartenance.
Formulation de la stratégie, innovation, digitalisation… Ces défis en sous-tendent un autre : être capable d’aligner toute la famille sur les intérêts de l’entreprise. La dissociation de la gouvernance d’entreprise et de la gouvernance familiale est une étape clé. Le projet d’entreprise dépasse en effet rapidement le cercle de la famille. Il intègre nécessairement les salariés, les clients, les fournisseurs, les territoires… qui font évoluer l’entreprise en permanence. La dimension affective de l’actionnariat familial et ses possibles divergences internes ne doivent alors pas heurter l’intérêt social. La gouvernance, c’est prendre en compte toutes les parties prenantes.
Les entreprises familiales l’ont bien compris : 85 % d’entre elles disent accorder une grande importance à la mise en place de structures et processus de gouvernance appropriés. L’enjeu est de taille puisque seulement 30 % des entreprises familiales survivent à la deuxième génération, 13 % à la troisième génération et 3 % au-delà (1).
La gouvernance au service de l’efficacité et de la pérennité d’entreprise
La pérennité de l’entreprise familiale passe par un processus proche de la démocratisation d’une société. Cette gouvernance dissocie le débat familial, de plus en plus large, et l’exercice de la gestion qui prend en compte toutes les parties prenantes, au profit de l’efficacité et de la dynamique de l’entreprise.
La gouvernance familiale vise à faire parler les familles d’une seule voix et à affronter collectivement les épreuves, grâce à la médiation des structures et de leurs règles de fonctionnement. La holding familiale, le conseil de famille ou l’Assemblée familiale devient le lieu de la réflexion, de la concertation, et de la résolution des conflits éventuels.
La charte familiale est une des formes de document de référence qui peut servir de guide aux arbitrages. En complément des statuts, pactes d’actionnaires ou d’associés familiaux, elle formalise ces règles informelles qui peuvent être source de conflit et de déstabilisation de l’entreprise. Leur formalisation permet aussi l’appropriation du projet et de la stratégie par les salariés et les parties prenantes qui peuvent, à défaut, avoir un sentiment d’opacité. Près de 35 % des entreprises familiales en ont formalisé une à ce jour (2). Le management, qu’il soit familial ou non, et la marque d’entreprise s’en trouvent renforcés.
La gouvernance d’entreprise est celle qui porte la responsabilité sociale. Son bon fonctionnement suppose une ligne familiale claire, mais elle prend aussi en compte les autres parties prenantes. La holding familiale, le pacte d’actionnaire et les statuts permettent d’exprimer et de donner plus de transparence à l’équilibre des pouvoirs.
La dernière étape est celle de l’ouverture et de la prise de recul stratégique. Elle consiste à faire bénéficier l’entreprise de points de vue extérieurs, bienveillants, mais sans complaisance, qui fourniront un regard objectif sur le respect des règles fixées et sur la prise en compte des facteurs externes qui peuvent pousser à des évolutions. 63 % des entreprises familiales ont mis en place un conseil d’administration. De plus en plus y font entrer des administrateurs indépendants ou créent un comité stratégique ou comité consultatif, avec le même objectif d’ouverture.
En conclusion, le projet familial, fondateur, est le ciment du développement de l’entreprise. La gouvernance permet de traiter les failles éventuelles dans ces fondations, mais aussi de lui préserver dans le temps sa solidité et son agilité, désormais enviée par les grands groupes. Un modèle à suivre !
Le 2 septembre, par Fanny LETIER
source : lesechos.fr