Les 4.500 entreprises de taille intermédiaire de France fournissent une contribution importante à l’économie comme à la société, en dépit d’un cadre réglementaire défavorable. Au-delà des strictes définitions statistiques, pour lesquelles le critère principal d’appartenance à la catégorie des entreprises de taille intermédiaire est d’employer entre 250 et 4.999 salariés, les ETI, peu importe leur secteur d’activité, partagent plusieurs caractères distinctifs : un ancrage régional fort, une expertise profonde dans leur domaine, un actionnariat souvent familial, une croissance maîtrisée entre acquisitions ciblées et croissance organique et, surtout, une vision à long terme de leur développement.
La France a fait le choix des grandes entreprises : elle devance l’Allemagne et le Royaume-Uni dans le classement Global 500 qui recense les plus grandes entreprises mondiales. Le pays compte un tissu de 4.500 ETI ; c’est peu en comparaison du Royaume-Uni (10.500) ou de l’Italie (8.000) et, surtout, de l’Allemagne, qui sert de référence dans ce domaine. Le Mittelstand regroupe en effet 11.000 entreprises, qui représentent plus des deux tiers des exportations allemandes. Mille quatre cents d’entre elles sont des leaders mondiaux sur des produits de niche, allant des adaptateurs permettant de recharger les voitures électriques aux solutions d’emballage stérile destinées au milieu médical.
Malgré leur nombre restreint, les ETI françaises contribuent fortement à l’économie du pays. Elles représentent à elles seules 24 % de l’emploi salarié, 28 % du chiffre d’affaires et 33 % des exportations nationales, selon l’Insee. Au plus fort de la crise, entre 2009 et 2015, les ETI françaises ont créé 90.000 emplois net, lorsque les grands groupes en supprimaient 50.000.
Cependant, la résilience de ces acteurs commence à souffrir d’un environnement peu favorable depuis trop longtemps. Les derniers trimestres montrent un essoufflement de la dynamique de création d’emplois et les marges sont compressées à un niveau qui ne permet plus de maintenir l’effort d’investissement nécessaire.
En cause, le déficit de compétitivité de la France auquel ces entreprises sont pleinement exposées. Contrairement aux grands groupes, qui, par leur implantation internationale, sont en mesure d’optimiser leurs structures de coût et la fiscalité qui s’impose à eux, les ETI sont davantage attachées à leur pays, voire région d’origine, dans lequel elles produisent, investissent, recrutent et paient leurs impôts. La pression fiscale est en effet élevée sur les ETI tricolores. Une simulation de l’Ifrap montre qu’une ETI donnée verrait son résultat net augmenter de 68 % si elle était soumise à la fiscalité allemande.
Et pourtant, la société française a tout intérêt à la prospérité des ETI. Leur prédilection pour le long terme fait d’elles des acteurs éminemment bénéfiques pour le pays. Leur croissance est d’abord mue par l’innovation. Ainsi, elles assurent le quart des dépenses en R&D de la France. Leur investissement dans le capital humain et dans le bien-être au travail est également important. Enfin, la réticence de ces entreprises à ouvrir leur capital, ainsi que leur préférence marquée pour l’autofinancement, leur confère une indépendance dont ne disposent pas les grands groupes.
Il devient donc urgent que la France recrée les conditions du développement des ETI. La fiscalité est pour cela un outil à privilégier, en supprimant les taxes sur la production et en les intégrant à l’impôt sur les sociétés ; en réduisant les charges patronales via un rééquilibrage avec celles pesant sur les salariés ; en sortant du calcul de l’ISF les actions détenues depuis dix ans pour ne pas pénaliser la détention patrimoniale ; en facilitant la réinjection de capitaux par les actionnaires historiques.
A ces conditions, la France restaurera la compétitivité de ses ETI, pour en faire le socle d’une croissance robuste.
Dominique Louis – PDG d’Assystem.
Les Echos – 31/01/2017