SERIE D’ETE. PAROLES DE PROF 2/12. La géopolitique est le mot-clef de 2016. Les dirigeants devront à l’avenir avoir une capacité à l’englober dans leur réflexion d’entreprise pour prendre les bonnes décisions.
Guerres et rivalités exacerbées au Proche-Orient, effondrement des cours du pétrole et instabilité du prix des matières premières, réveil djihadiste, attentats terroristes dans le monde, cybercriminalité, essoufflement économique chinois et dévissage des bourses mondiales sans oublier le Brexit… Jamais, sans doute, la géopolitique n’a paru avoir une influence aussi évidente sur le cours des événements qui affectent non seulement la vie des États, mais aussi celle des acteurs économiques et de tous les citoyens. La géopolitique est incontestablement le mot-clef de cette année et apparaît dans de nombreux articles de la presse économique, tant pour la partie entreprises, que pour la partie pays.
Tous les jours, les entreprises, et ce, quelles que soient leurs nationalités, activités ou tailles, sont impactées par ces événements et doivent les intégrer dans leur stratégie. La liste est longue mais nous pouvons citer : l’embargo en Russie, la demande d’arbitrage de Total en Algérie, les arnaques au Président, la corruption, la contrefaçon, le tourisme au Maghreb.Cela ne concerne pas uniquement des situations conflictuelles. De nombreuses entreprises se posent la question à l’heure actuelle d’aller (ou retourner !) ou pas en Iran. Pour d’autres, comme LafargeHolcim, la réflexion se pose à plusieurs niveaux, entre la gestion de leur implantation en Syrie et la décision d’implantation d’un hub à Casablanca.
Comprendre, réfléchir, décider
On le voit, cela devient de plus en plus complexe et les dirigeants devront dans les années à venir avoir des compétences en géopolitique.Ce sera même une faute grave de ne pas en avoir ! Ces compétences peuvent se décliner selon plusieurs axes.
D’abord, une capacité à comprendre le monde : davantage peut-être qu’une méthodologie et un socle de connaissances qu’il convient de mettre régulièrement à jour, il s’agit de développer un certain état d’esprit. Ecole de la lucidité et de la prise de recul, la géopolitique doit permettre la compréhension du monde tel qu’il est, sans idées reçues, ni vaines illusions.
Ensuite, une capacité à englober la géopolitique dans la réflexion d’entreprise : voir quels sont les impacts d’événements géopolitiques sur le fonctionnement de son entreprise, son positionnement, ses perspectives de développement, aussi bien sur le court terme que le long terme.
Enfin, une capacité à prendre les décisions nécessaires : pour naviguer dans un environnement au sein duquel les risques et opportunités évoluent sans cesse, tant du point de vue opérationnel que stratégique.
Géopolitique d’entreprise
A ces trois dimensions, j’en rajouterai une quatrième : la capacité à faire partager à l’ensemble de ses collaborateurs et parties prenantes cette compréhension (et vision) du monde qui vise à l’action et à l’engagement. Une sorte de géopolitique “d’entreprise”, opérationnelle, suffisamment ouverte pour ne pas aboutir à une collection de recettes managériales, qui seraient vite obsolètes, une géopolitique différente du sens traditionnel du terme. Une géopolitique en tant qu’objet (étude des relations entre communautés et organisations humaines à l’échelle internationale), et non en tant que discipline.
De par ses nombreux champs d’action et de réflexion, l’acquisition de cette compétence n’est pas aisée et ce d’autant plus que les événements géopolitiques ne se reproduisent jamais à l’identique. Je crois beaucoup à une démarche associant de la formation, de l’expérimentation (avec des mises en situation), de l’expérience et un accompagnement. De toute façon, il n’y a pas le choix, c’est indispensable !
Par Jean-François Fiorina (Directeur adjoint et directeur de l’ESC à Grenoble Ecole de Management), le 26 juillet 2016.