Une offre de rachat sur trois est précédée de rumeurs.
Les fuites d’informations conduisent à un nombre élevé d’échecs dans les opérations de rapprochement.
Twitter est l’objet d’une rumeur de rachat par Salesforce depuis le 23 septembre et les informations de CNBC sur les « marques d’intérêt » reçues de la part de plusieurs groupes. Un cas loin d’être isolé. En effet, en quinze ans, la proportion d’opérations de rachat entourées de rumeurs a grimpé de 13 à 33 % selon une étude (1). Le taux d’échec des fusions a été multiplié par 10, à 37 %, du fait notamment de ces fuites d’informations très sensibles.
Pour plus d’un échec sur deux, les offres de rachat ont été précédées de rumeurs qui font chuter de près de 40 % la probabilité que l’opération réussisse. Le coût d’une opération avortée est supérieur à 8 millions de dollars dans un cas sur deux. Les rumeurs sont trois fois moins fréquentes – 17 % des cas – dans les opérations qui aboutissent. La confidentialité est une clef du succès.
Les secteurs dans lesquels il y a le plus de rumeurs avant les OPA sont les secteurs du gaz et de l’électricité, de l’agriculture et des mines (une opération sur deux), puis les hôtels-restaurants et les télécommunications, avec 40 % des fusions précédées de rumeurs. Les pays où la proportion de rumeurs est la plus forte sont l’Australie, du fait du secteur minier, et la Russie, avec entre 50 et 60 % des fusions entourées de rumeurs. En France, c’est dans un cas sur quatre, et un peu plus du tiers des opérations aux Etats-Unis. Les fuites d’information et délits d’initié à la clef sont plus courants dans les pays frappés par un degré élevé de corruption, comme la Russie.
Il y a moins de rumeurs quand un fonds de capital-investissement est l’acquéreur, et la probabilité de succès du marché est de 12 à 19 % plus forte. C’est aussi vrai quand l’acheteur est lui aussi coté et donc soumis à des règles plus strictes. En revanche, plus il y a un nombre élevé d’acquéreurs et de nationalités différentes, plus la probabilité qu’il y ait des fuites est élevée. C’est aussi le cas quand la cible est cotée car, dans ce cas, les profits illégaux d’initié sont élevés, et donc la tentation est plus forte de « parler ». Un « maillon faible » dans toute la chaîne des métiers (banquiers, avocats, communicants…) impliqués dans une opération de rachat peut être à l’origine des fuites. Des banquiers d’affaires sont susceptibles d’éventer les opérations de concurrents auprès de journaux qui vont ainsi répercuter ces informations aux marchés. Une rumeur de fusion ne perdure que si elle a un fond de vérité.
Briseuses de mariage
Sur les 519 rumeurs de fusion entre 2005 et 2011, 55, soit 10,6 %, se sont avérées fondées avec une offre d’achat dans l’année suivante (2). C’est le signe que des « fuites », en provenance d’initiés, parviennent aux marchés. Dans 20 % des cas, la société sera rachetée dans les trois ans. Dans près d’un cas sur trois, les marchés avaient donc de bonnes raisons de prêter l’oreille à ces « bruits ». Ils parviennent assez vite à faire le tri entre les rumeurs peu fondées et les rumeurs crédibles. Dans le premier cas, l’action qui avait gagné autour de 4,3 % dans les trois jours perd ensuite tous ses gains. Dans le second cas, quand la rumeur paraît crédible, l’action progresse deux fois plus en trois jours, 8,7 %. Une rumeur sur une valeur attire l’attention de nouveaux spéculateurs, qui font grimper la valeur et échouer le mariage.
Les Echos – @NessimAitKacimi
(1) « M&A Rumors : Why Sellers Hate Them », Alperovych, Cumming, Groh. (2) « Investor Reaction to Merger and Acquisition Rumors », University of Utah.